Plus nous cherchons à faire entrer les enfants dans les moules névrotiques de nos constructions identitaires, plus nous nous éloignons à mon sens d'un nouveau paradigme que nous aimerions voir éclore.
Un nouveau paradigme constitué en réalité des valeurs préservées de l'enfance, à savoir : l'innocence, la spontanéité, le non-jugement, la curiosité, la confiance naturelle en l'Autre, la compassion, l'attention au présent, l'expression entière et brute de la Vérité ou encore la simplicité.
Comme le disait Léonard De Vinci : "La simplicité est la sophistication suprême." Ainsi sachons la préserver le plus tôt possible.
La petite-enfance est finalement le gardien de notre pureté originelle, de notre véritable nature.
"Laissez les petits enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent." Matthieu 19:14
Ainsi si "la Vérité sort de la bouche des enfants", elle nous met souvent face au bien-fondé de nos identités trop souvent construites sur des sables mouvants.
Car si nous sommes dans l'ignorance de qui nous sommes véritablement, il est fort probable que nous nous soyons construits sur des insécurités.
Ainsi par des contorsions habiles, nous avons tenté de recevoir l'amour uniquement de l'extérieur à cause d'une distorsion de la réalité.
Or à force de chercher à correspondre à des modèles socialement acceptables, nous nous sommes éloignés des seules fondations solides à savoir celles du Soi.
C'est pourquoi le petit enfant ramène naturellement de la lumière dans nos univers, et nous invite cette fois à bâtir notre royaume sur la pierre.
"Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église." Matthieu 16:18
En effet, ayant cette fâcheuse tendance de tout soulever, même les questions les plus ardues, il va nous mettre face à nos inaccomplis, et révéler au grand jour ce que nous préfèrerions garder sous le tapis.
Par exemple, il n'hésitera pas à dire à haute voix ce qu'il pense du lifting de Mamie. Le tact n'étant définitivement pas une qualité de l'enfance. (Rires.)
Mais peut-être que ses remarques ne sont que factuelles, et que chacune porte en elle un enseignement précieux ?
Et si cette communication sans détour nous offrait simplement des occasions répétées de mieux nous connaître, de ne plus nous juger, et de voir dans l'innocence de l'enfant ce qui nous touche en écho.
Car n'est-ce pas une interprétation de l'adulte que de croire, qu'il n'est pas juste de dire ce que l'on pense pour ne pas titiller les egos réfractaires ?
L'enfant n'inviterait-il pas à une honnêteté radicale, pour que nous soyons en accord avec nos choix peu importe les points de vue extérieurs ?
N'est-ce pas finalement une forme d'hypocrisie socialement acceptée, que de ne jamais dire ce que l'on pense vraiment ?
En outre, si nous regardons de plus près les sempiternelles questions de l'enfance, nous verrons combien elles recèlent de véritables joyaux d'unité, d'authenticité et de besoin de cohérence.
° Pourquoi la jeune femme dort dans la rue, alors que nous avons trois chambres à la maison ?
° Si la planète est une sphère, pourquoi les êtres habitants de l'autre côté n'ont pas la tête en bas ?
° Pourquoi Maman me dit qu'elle va bien, alors qu'elle a les yeux rougis ?
Car oui les non-dits, les démonstrations illogiques, ou encore le manque de compassion, font partis des interrogations des enfants.
C'est d'ailleurs pour cela que l'adulte mis face à son manque d'alignement, préfère souvent faire taire son petit maître. (Rires.)
L'ego n'aime pas perdre la face. Ainsi c'est à nous de nous reconnecter à ce que nous sommes de plus essentiel, pour pouvoir rencontrer l'enfant à son point d'origine.
Je pense que nous aurions tous à gagner à écouter ces humains de petite taille, en ayant l'humilité de reconnaître leur grandeur pour grandir ensemble ?
Car il est de notre responsabilité que d'incarner nous-mêmes des chemins d'exemplarité en leur offrant des repères sains. N'oublions pas l'importance des neurones miroirs dans tout apprentissage.
Ainsi avant de nous adresser à un enfant, sachons tourner sept fois notre langue dans notre bouche. Il est bien plus facile de prendre soin du Vivant dans son déploiement naturel, plutôt que de devoir le réparer par la suite.
Un IMMENSE MERCI aux enfants de venir à nous dans toute leur fraîcheur, et ce pour nous remettre les pendules à l'heure. (Rires.)
Et je terminerai sur cette citation si juste de Khalil Gibran :
"Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la Vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier. Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés. L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et il vous tend de Sa puissance pour que ses flèches puissent voler vite et loin. Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie ; Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable."
Audrey Lutz, autrice et conférencière, initiatrice des cercles d'écriture Les Plumes d'Or et de la méthode Le Corps qui Écrit.